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Introduction

Le rôle de Paris comme capitale mondiale de l’art occidental depuis le XIXe siècle est bien connu. On considère également que la Ville lumière perd cette prééminence après la Seconde Guerre mondiale au profit de New York. L’histoire de l’expressionnisme abstrait, de l’École de New York et de ses héros, Jackson Pollock et Willem de Kooning entre autres, est ainsi devenue le récit dominant de l’art après 1945.

Photographe inconnu, {Beauford Delaney et Lawrence Calcagno à Paris}, vers 1953-55
Photographe inconnu, Beauford Delaney et Lawrence Calcagno à Paris, vers 1953-55
Washington, Archives of American Art/Smithsonian Institution
© Lawrence Calcagno papers (1934-1960)/ Archives of American Art/Smithsonian Institution

Pourtant, de très nombreux artistes, musiciens et écrivains américains, hommes et femmes, ont continué à venir étudier et créer en France. Plus de 400 artistes ont en particulier utilisé la bourse du G.I. Bill entre 1944 et 1953, qui permettait à tout ancien combattant de financer ses études, en venant s’inscrire à l’École des beaux-arts de Paris ou dans les ateliers de la Grande Chaumière, auprès de Fernand Léger ou d’Ossip Zadkine. Certains, dans le sillage de leurs compatriotes, se sont installés en France définitivement. Ces artistes ont choisi la France pour des raisons diverses : l’attrait culturel de Paris, ses musées et ses maîtres, la découverte de l’Europe, la possibilité de créer sans réelle contrainte grâce à la bourse, la recherche d’une plus grande liberté, l’envie d’être ailleurs, d’être à Paris comme sur une île.

L’exposition explore, à partir de trois constellations d’artistes, cette intense présence et la manière dont elle a contribué à la redéfinition de l’art abstrait à un moment où la géographie mondiale de l’art était bouleversée. La première section examine la tentative du critique d’art Michel Tapié de rassembler des artistes de différentes nationalités sous la bannière de l’« Art autre ». La deuxième démontre que la position devenue périphérique de la capitale parisienne pouvait constituer un lieu d’expression artistique détaché d’un certain nombre d’enjeux nationalistes, sociaux ou politiques. Enfin, la troisième observe comment un groupe d’artistes a renouvelé en profondeur, durant leur séjour en France, les enjeux de l’abstraction géométrique.