Manufacture Jacques Ollivier

Pot de monstre

XVIIIe siècle

Faïence stannifère, décor de grand feu en camaïeu bleu et manganèse 40 cm × 40 cm

L’art de la faïence apparaît à Montpellier dès la fin du XVIe siècle : son essor s’appuie sur le développement des fondations hospitalières et des apothicaireries pour lesquelles sont créés de nombreux vases destinés à contenir la riche pharmacopée du temps. La manufacture la plus importante est celle de Jacques Ollivier (1675 – 1743) qui obtient un privilège royal en 1725.

Les grands vases de pharmacie sont caractéristiques de la manufacture Ollivier : ils proposent une ornementation très plastique faite d’anses torsadées, dans laquelle est sensible l’influence de l’Italie. Elle associe son répertoire décoratif propre : des motifs de palmettes et de volutes encadrent le nom de la préparation et de grands visages empanachés rythment le corps du vase, visages dans lesquels on a vu tour à tour des anges ailés ou des Indiens. Le traitement en camaïeu bleu rappelle les productions de Marseille. Ce traitement décoratif connaîtra un grand succès pendant toute la première moitié du XVIIIe siècle.

La faïence fut l’un des matériaux de prédilection pour la fabrication des vases de pharmacie. Son emploi et les formes des récipients sont hérités du Proche-Orient et se répandent dès le XVIe siècle en France. Les officines réunissent un certain nombre de formes : l’albarello, vase de profil cylindrique, reçoit les médicaments solides et les onguents ; la chevrette, comportant sur sa panse ovoïde une anse et un goulot, conserve les sirops ; la cruche contient les liquides et les élixirs. De grands vases dits « de monstre » jouent un rôle décoratif et contiennent de célèbres remèdes tels que les contrepoisons antiques thériaque ou mithridat. L’édit de 1662, qui ordonne la création des hôpitaux généraux à toutes les grandes villes du royaume, entraîne une abondante production de vases pharmaceutiques. Les contrats de vente passés entre les apothicaires et les faïenciers révèlent l’importante activité des ateliers montpelliérains et leur réputation. Les carreaux et les plats ornementaux constituent une autre part de la production faïencière jusqu’au début du XVIIIe siècle.

Chaque ville produit sa propre thériaque, et chaque pharmacopée en fait mention. Toutefois les compositions frauduleuses sont nombreuses, aussi les corps de métier concernés instaurent des protocoles de contrôle du processus de fabrication.

À Montpellier, le maître apothicaire Laurent Catelan fils prend l’initiative en 1606 d’inviter les personnalités de la ville pour discourir durant quinze jours sur la thériaque et chacun de ses ingrédients, dans l’amphithéâtre d’anatomie de l’université de médecine. De ces journées reste le Discours sur la thériaque et ingrédiens d’icelle, faicte à Montpellier.

Avec le mithridatise, la thériaque est certainement le remède qui a le mieux traversé les âges, puisqu’elle ne disparaît définitivement qu’au début du XXe siècle.

D59.1.1
Musée Fabre
Dépôt de la Bibliothèque municipale de Montpellier, 1959
propriété de la Communauté d’Agglomération de Montpellier