Dominique Papety peint les Femmes à la fontaine lors de son séjour à l’Académie de France à Rome entre 1837 et 1842. Ce tableau est l’envoi de troisième année qui sera exposé au Palais des Beaux-Arts à Paris en août 1840 sous le titre Fontaine antique, pour lequel plusieurs dessins préparatoires sont référencés (in Amprimoz, 1984, p. 197). Le directeur de la Villa Médicis, Jean Auguste Dominique Ingres, tient le talent du pensionnaire Papety en grande estime et l’influence fortement.
Dans un style néogrec, le tableau est inspiré par les vestiges archéologiques et marqué par le souci d’une restitution sublimée des sites antiques. La précision du dessin et la pureté de la ligne caractérisent la manière de Papety. S’il compte parmi les plus brillants suiveurs d’Ingres, on put lui reprocher la sévérité de son style et l’immobilisme sculptural de ses figures, tel le critique Fabien Pillet, dans Moniteur Universel daté du 20 août 1840, qui voit dans notre tableau « l’extrême sécheresse de touche et de dessin, les couleurs fausses donnant aux carnations l’effet de terre cuite et les draperies ressemblant à de la pierre ciselée » (in Amprimoz, 1980, p. 21).
Le thème des femmes grecques à la fontaine se rencontre à plusieurs reprises dans l’œuvre de Papety. Vers 1841, il exécute une réplique de ce tableau aux dimensions inférieures de moitié et avec des variantes, conservée au musée du Louvre.
Outre la valeur artistique majeure de l’œuvre, l’intérêt de cette acquisition pour le musée Fabre tient aussi à sa provenance. Le collectionneur et donateur montpelliérain François Sabatier (1818-1891) se lie d’amitié avec Papety dès leur rencontre à Rome. En 1846, ils entreprennent un long voyage d’étude en Grèce qu’ils conçoivent tous deux comme un voyage aux sources de l’art et de la pensée occidentale (Papety, Dominique, « Les peintures byzantines et les couvents de l’Athos », Revue des Deux Mondes, 1er juin 1847, pp. 769-789). Papety dessine des centaines d’études de paysages et de monuments antiques dont l’essentiel est légué par François Sabatier au Louvre, soit 5 albums et 130 feuilles indépendantes.
À Florence, l’artiste travaille aux figures de Mozart et de Shakespeare pour le décor fouriériste du palais de François Sabatier et de son épouse, la cantatrice viennoise Caroline Ungher (in Amprimoz, 1980, pp. 57-67). Les deux hommes initiés sont d’ardents partisans de la doctrine de Charles Fourier que Papety transpose sur la toile Un rêve de bonheur, le cinquième envoi de Rome, exposé au Salon de 1843 (n° 904) et aujourd’hui conservé au musée Antoine Vivenel de Compiègne. Le cabinet des Arts Graphiques du musée Fabre possède plusieurs oeuvres préparatoires pour cette œuvre monumentale, dont deux gouaches léguées par Alfred Bruyas en 1876. Tamisier, dans l’étude biographique qu’il consacre à l’artiste en 1857, voit précisément dans la sensualité et la grâce des Femmes à la fontaine une préfiguration du chef-d’œuvre de Papety : « Ce groupe de femmes au regard amoureux, à l’attitude paresseuse et molle, fait pressentir le Rêve de bonheur ».
Le tableau Femmes à la fontaine peut être rapproché de l’œuvre de Papety exposée au Salon de Montpellier en 1860 sous le titre Femmes étrusques à la fontaine (n° 438), prêtée par Félix Sabatier (1816-1894), frère de François. Proche de la famille Sabatier, Dominique Papety réalisa le Portrait de Félix Sabatier et celui de son épouse, Marie Granier, propriétaires au XIXe siècle de l’Hôtel de Lunas à Montpellier, où sont toujours conservées les deux portraits.