Les autorités de l’État et des villes condamnent, à l’époque moderne, les jeux de hasard, bien que la Loterie soit finalement autorisée par le roi en plusieurs étapes.
À Montpellier, les élites condamnent unanimement les jeux, et ce depuis le milieu du XVIIe siècle. La règlementation s’étoffe à la fin du XVIIe siècle, puis au XVIIIe siècle. Les ordonnances du Bureau de police, confirmées notamment par des arrêts du Parlement de Toulouse du 20 septembre 1729 et du 18 juillet 1755, englobent petit à petit toutes les nouvelles formes de jeu, spécialement de cartes, qui mettent en jeu de l’argent ou reposent sur le hasard.
Les autorités justifient cette lutte par le fait que les jeux détournent la jeunesse et les pères de famille de la bonne moralité, et qu’ils peuvent susciter des désordres. C’est la raison pour laquelle les tenanciers de lieux d’accueil ne peuvent laisser jouer dans leurs établissements. La responsabilité de la surveillance leur incombe pendant longtemps, ce qui n’empêche pas, selon l’auteur de la Description de 1768, le caractère florissant des jeux à Montpellier, que ce soit les jeux de billards :
« Billardiers : Les Billardiers se sont extrêmement multipliés. C’est un métier de fainéant, pratiqué ordinairement par des anciens domestiques. Il serait à souhaiter qu’on les abolit ; car les lieux où ils tiennent leurs billards, sont la perte de la jeunesse, qui y passe son temps à jouer, blasphémer et à contracter toutes sortes de mauvaises habitudes, sans compter le risque qu’elle a d’être dévalisée par des fripons de profession, qui sont les piliers de ces sortes d’endroits »
ou les jeux de cartes :
« Cartiers : Il n’y a que six cartiers ou fabriquants de cartes à jouer et de cartons pour les manufactures. Ce métier est fort bon, grâce à la fureur des joueurs ».
L’auteur de la Description glisse dans ses « observations » sur les métiers des indications intéressantes pour savoir qui fréquente ces lieux. Il écrit que
« les artisans sont trop débauchés, gouvernés par la vanité et le plaisir, insolents et brutaux »
Et il plaide pour l’abolition des métiers et la liberté d’entreprendre, au motif qu’il
« est injuste que, parce qu’un habile ouvrier n’aura pas de quoi payer sa maîtrise, il ne puisse jamais travailler pour son compte. Ceci tient de la tyrannie. On devrait donc accorder cette liberté, et supprimer ce droit d’entrée et ces repas multipliés, qu’un aspirant à la maîtrise est obligé de donner à des corps nombreux : ce qui le ruine, et ne produit que l’intempérance et l’ivrognerie […] ».
Plus généralement, dans le dernier tiers du siècle des Lumières, les autorités craignent les rassemblements de personnes de toutes conditions et de tous sexes dans les espaces de sociabilité festive. Elles y voient une confusion et un risque de perversion de l’ordre social, qui peut toucher à la fois les « jeunes gens », spécialement les « fils de famille », et les « pères de famille ». C’est donc toute la construction socio-politique paternaliste qui est menacée selon elles. C’est la raison pour laquelle les débits de boisson et les cafés deviennent des lieux particulièrement surveillés, car ils sont considérés comme particulièrement dangereux. On assiste ici à la naturalisation d’un stéréotype, qui consiste à ce que l’opinion publique en vienne à partager l’idée policière d’une dangerosité naturelle d’un lieu ou d’une catégorie de personnes.