Retour à “Saison contemporaine”

Stéphane Bordarier

« La peinture n’est jamais en train de répéter quelque chose qui a déjà été fait, elle est toujours en train d’apporter une pensée du nouveau, qui est une pensée philosophique, mais que je considère également politique. »

Stéphane Bordarier, entretien avec Maud Marron-Wojewodzki, juin 2020

La peinture de Stéphane Bordarier, né en 1953 et installé à Nîmes où il réside toujours, s’inscrit pleinement dans la lignée des œuvres présentées par la galerie Jean Fournier qu’il intègre en 1987, où il côtoie certains acteurs du mouvement Supports/Surfaces.

Ses premières œuvres seront d’ailleurs réalisées sur toile libre à l’instar des œuvres de Claude Viallat, nîmois comme lui et figure emblématique du groupe.

Si, progressivement, Bordarier revient à la toile sur châssis et assimile les conquêtes de la peinture américaine, celle de James Bishop et de Joan Mitchell notamment, ce dont témoignent certaines toiles au geste très expressif, il réalise assez vite des œuvres de couleur pure sans pâte ni geste. Celle-ci semble flotter dans l’espace grâce à la fine réserve de la toile qui apparaît de manière aléatoire sur chaque tableau et qui distingue la peinture de Bordarier du monochrome. Une large place est ainsi laissée au hasard dans son œuvre.

Stéphane Bordarier dans son atelier
Stéphane Bordarier dans son atelier
Photographié par François Lagarde, 1983
Archives de l’artiste

Pour l’ensemble des visuels : © ADAGP, Paris 2020

22, 30 V 2008, Hommage à Enguerrand Quarton
Stéphane Bordarier
22, 30 V 2008, Hommage à Enguerrand Quarton, 2008
Huile sur toile, quatre panneaux de 120 × 120 cm, 120 cm × 480 cm
inv. 2020.26.1
Musée Fabre

Grand amateur de l’art des primitifs italiens qu’il observe de manière quasi obsessionnelle durant un voyage en Italie effectué en 1993-1994, Stéphane Bordarier élabore une technique singulière, proche de l’art de la fresque, grâce à l’application de la couleur dans de la colle de peau, sur la toile disposée à l’horizontale sur tréteaux. Ses toiles n’ont dès lors plus de sens ni de composition.

Coloriste hors pair, Stéphane Bordarier étudie, inlassablement, les possibilités d’occupation de la toile par la couleur : « j’avance l’idée que mon travail ne repose que sur le mouvement qui l’a engendré, que la permanence de son commencement le maintien vivant ».

Les sept œuvres du fonds dialoguent entre elles. De la plus ancienne, une toile libre de 1983, jusqu’à la plus récente de 2016, qui témoigne de nouvelles recherches chromatiques autour d’un vert d’eau lumineux, l’ensemble du musée Fabre donne à voir les rebonds et les ruptures d’une œuvre qui se renouvelle sans cesse dans un système de contraintes fixées par l’artiste.

1 <span class="caps">VII</span> 2016
Stéphane Bordarier
1 VII 2016, 2016
Huile et acrylique sur toile, 175 cm × 175 cm
inv. 2020.26.2
Musée Fabre

« Il y aurait à distinguer entre une mémoire consciente, travaillée, recherchée, et une mémoire inconsciente : elles constituent le stock dans lequel on agit. Il est des oeuvres qui sont trop marquées par ce d’où elles viennent. Mais précisément, il s’agit à la fois de considérer cette mémoire, de la laisser agir, et aussi de détruire tout ce qui pourrait nous freiner, nous empêcher d’avancer. La peinture, il faut à la fois l’aimer infiniment, et, pour peindre, s’efforcer de l’oublier. »

Stéphane Bordarier, entretien avec Maud Marron-Wojewodzki, juin 2020