Les plaisir des jardins
À l’orée du XVIIIe siècle, la recherche du naturel et le goût de la nature deviennent des enjeux artistiques décisifs, qui marqueront l’imaginaire tout au long du siècle. Les modèles de Jean Ranc aiment à se faire représenter dans des poses décontractées, dans des espaces boisés, entourés de fontaines, sous d’épaisses frondaisons. Les modèles féminins prennent plaisir à se faire représenter en paysanne, en nymphe ou en déesse. Les peintres jouent sur la porosité des genres, entre peinture d’histoire, scène de genre, paysage et portrait.
Le fameux Vertumne et Pomone de Ranc incarne le sommet de cet art. Ce tableau, dont on ignore encore aujourd’hui le commanditaire, illustre un mythe raconté par Ovide dans les Métamorphoses. La jeune nymphe Pomone veut rester chaste et ferme son jardin à tous les hommes. Le dieu Vertumne s’éprend d’elle. Pour l’approcher, il se change en une inoffensive vieille femme et commence à lui plaider la cause de l’amour. Pomone se laisse séduire et s’abandonne au dieu qui baisse le masque. Cette histoire de badinage libertin et amoureux, très appréciée des artistes à cette époque, est superbement illustrée par Ranc. L’artiste utilise tous les codes du portraits pour faire vivre le mythe : un cadrage à mi corps, resserré sur les figures et des costumes et accessoires contemporains, dont la délicate ombrelle. La lumière cristalline pénétrant ce mystérieux sous-bois et les couleurs, particulièrement vives et suaves, offrent une magie inoubliable à ce chef-d’oeuvre.