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Montpellier et la médecine

Cette année, Montpellier souffle les 800 ans de la naissance de l’université de médecine, célébrée dans de nombreuses manifestations dont cette exposition Pharmacopées.

Nous vous proposons ici brièvement les grandes étapes de l’histoire de cette université, toujours en exercice, et patrimoine fondateur de cette ville dont elle constitue un ressort majeur pour le développement de nombreuses activités comme celle de la pharmacie.

Cent ans d’institutionnalisation

À Montpellier, l’enseignement de la médecine émerge au XIIe siècle, par le biais de professeurs particuliers, sans régulation ni institution. En 1181, Guilhem VIII, seigneur de Montpellier, accorde à tous le droit d’enseigner. C’est la première étape des cent ans d’institutionnalisation de ce qui est aujourd’hui la plus ancienne faculté de France.

En 1220, le cardinal légat Conrad d’Urach, de passage à Montpellier, octroie à l’Université de Médecine ses premiers statuts. L’Universitas communauté » en latin) medicorum est ainsi placée sous l’égide de l’Église. C’est une première régulation, définissant les enseignements, devoirs et droits.

Quelques décennies plus tard, en 1289, la constitution apostolique Quia Sapientia est adressée par le pape Nicolas IV, confirmant les pratiques qui ont lieu depuis cent ans et organisant l’Université montpelliéraine. A partir de ce moment, les étudiants diplômés de Montpellier pourront non seulement pratiquer mais également enseigner où ils le désirent.

Johann von Ketham (1415 ?-1470 ?), Fasciculo di medicina, 1493
Johann von Ketham (1415 ?-1470 ?), Fasciculo di medicina, 1493
BnF, FRBNF30679916

Un essor rapide

En peu de temps, Montpellier devient un de plus gros centres d’enseignement médical de France et d’Europe, accueillant jusqu’à quatre mille étudiants ! Ses cours sont réputés, et la ville héberge des illustres professeurs, dont Arnaud de Villeneuve (1240-1311), médecin de plusieurs rois et papes.

  • Arnaud de Villeneuve étudie à Salerne, la plus importante université de médecine, avant d'enseigner à Montpellier. Savant dans plusieurs domaines, il innove sur l'approche de la médecine, privilégiant l'observation et l'expérience. Médecin (entre autres) du pape Clément V, il eut une certaine influence sur lui, puisque celui-ci recommande pour les étudiants de Montpellier la lecture d'auteurs grecs, latins et même persans.
    Arnaud de Villeneuve étudie à Salerne, la plus importante université de médecine, avant d’enseigner à Montpellier. Savant dans plusieurs domaines, il innove sur l’approche de la médecine, privilégiant l’observation et l’expérience.
    Médecin (entre autres) du pape Clément V, il eut une certaine influence sur lui, puisque celui-ci recommande pour les étudiants de Montpellier la lecture d’auteurs grecs, latins et même persans.
  • Guy de Chauliac, également médecin à Montpellier, publie un traité regroupant les connaissances du XIVe siècle en matière de médecine et surtout de chirurgie, à une époque où celle-ci se confondait avec le métier de barbier. Il est ainsi considéré comme le père de la chirurgie moderne.
    Guy de Chauliac, également médecin à Montpellier, publie un traité regroupant les connaissances du XIVe siècle en matière de médecine et surtout de chirurgie, à une époque où celle-ci se confondait avec le métier de barbier. Il est ainsi considéré comme le père de la chirurgie moderne.
  • Guy de Chauliac bandant la jambe du pape Clément VII à Avignon, pendant que Pétrarque, son ennemi, jaloux de son influence, le regarde
    Guy de Chauliac bandant la jambe du pape Clément VII à Avignon, pendant que Pétrarque, son ennemi, jaloux de son influence, le regarde
    Ernest Board (1877-1934)
    Wellcome Collection

Ce rapide essor est principalement du à deux choses : la situation commerciale et passante de la ville, qui lui permet de nombreux échanges avec l’ensemble de la chrétienté ; surtout, à partir de 1309, l’installation de la Papauté en Avignon.

Le Palais des Papes au début du XIXe,
Gravure, Musée du Vieil Avignon

Le pouvoir royal

Le départ des papes d’Avignon, marque le déclin de la tutelle de l’Eglise au profit de celle de la royauté.

L’Université acquiert de nouveaux locaux au milieu du XVe siècle (situés à l’actuelle Panacée), qui se transforment en « Collège Royal de Médecine » en 1498, à la suite de nouvelles règles édictées par le roi Louis XII.

Jean Perréal, Portrait de Louis XII, roi de France (1462-1515), v1514
Jean Perréal, Portrait de Louis XII, roi de France (1462-1515), v1514
Royal Collection, RCIN 403431

La renaissance

Bien que les tensions religieuses de la seconde moitié du XVIe marquent profondément la ville, l’Université connaît de grandes personnalités humanistes qui traduisent à Montpellier les valeurs de la Renaissance dans la modernisation et la complémentarité des savoirs : développement de la botanique (qui aboutit à la création du premier jardin des plantes en France), de l’anatomie et de la chirurgie, les trois sciences étant portées par l’illustre Guillaume Rondelet (1507-1566). C’est grâce à lui que l’Université se dote de son premier amphithéâtre d’anatomie, en 1556

Willem Isaacsz van Swanenburg Theatrum Anatomicum,1612
Willem Isaacsz van Swanenburg Theatrum Anatomicum,1612
Musée Boerhaave

De nombreux élèves continuent d’affluer, dont notamment le célèbre François Rabelais, reçu médecin en 1532.

Pierre Brissart, Le médecin malgré lui, 1682
Pierre Brissart, Le médecin malgré lui, 1682
Acte I, scène 5

Cent ans plus tard, Molière, qui vécut non loin de Montpellier, à Pézenas, reprend également ce thème à travers plusieurs ouvrages, dont Le médecin malgré lui (1666) où le personnage de Sganarelle s’improvise médecin, et donne lieu a des scènes parodiques.

L’auteur ne se prive pas de se moquer des médecins, tournant en dérision notamment le langage hermétique de ses confères.

Ce goût pour la parodie et la satire se traduit également dans le genre de la singerie qui consiste à remplacer en peinture notamment les hommes par des singes dans des scènes de la vie ordinaire.

  • Le lavement donné
    Le lavement donné
    Christophe Huet, Singeries, ou différentes actions de la vie humaine, vers 1742
    BnF, FRBNF40362216
  • Le lavement rendu
    Le lavement rendu
    Christophe Huet, Singeries, ou différentes actions de la vie humaine, vers 1742
    BnF, FRBNF40362216

On le retrouve ici jusque dans les ornements de faïences de table, qui s’inspirent de certaines gravures extraites de recueils à la mode, ici les Singeries, ou différentes actions de la vie humaine dessinées Christophe Huet (1694-1759), qui mêle grivoiseries, obscénités et critiques de celles-ci.