La catégorie des « étrangers » englobe toutes les personnes qui ne sont pas des « habitants » de Montpellier, c’est-à-dire qui ne sont pas connues et reconnues comme faisant partie de la communauté. Il ne s’agit pas d’une nationalité, car des régnicoles (des habitants du royaume) sont également assimilés à des étrangers. Or, ces derniers constitueraient une menace, ce que les règlements du Bureau de police rappellent depuis le milieu du XVIIe siècle, par exemple en 1657 quand une ordonnance enjoint aux îliers de faire :
« toute diligence pour savoir & découvrir s’il habite dans leur île aucune famille étrangère sans l’adveu [l’autorisation] des consuls » (AMM, BB sans cote, « Illiers », règlement de 1657).
Le règlement établi par le Bureau de police le 7 février 1696 indique au public que les membres du Bureau sont informés qu’il s’établit en ville des étrangers sans permission des consuls. La plupart sont
« vagabonds & sans aveu, volent ou commettent fréquemment de méchantes actions, ou se trouvant misérables, ils sont réduits à mendier, ou lors qu’ils tombent malades on est obligé de les recevoir & entretenir à l’Hospital St-Eloy aux dépens de la Communauté, d’où sort la plus grande partie des gueux & mendiants qu’on voit rouler dans la ville. [Il y a également beaucoup de] filles étrangères qui se mettent en chambre, débauchent celles de la Ville, & entretiennent ce mauvais commerce […] qui est la source de tous les désordres » (AMM, BB sans cote, « Illiers »).
Une distinction est établie entre des étrangers acceptables et ceux qui sont, naturellement, fauteurs de désordres. Cette distinction ne peut être opérée que grâce aux dispositifs de surveillance établis par le Bureau de police, qui accentue progressivement la surveillance des pauvres migrants, que ces derniers soient saisonniers ou de passage. Le sixième consul Reidier le rappelle une nouvelle fois le mardi 11 mai 1728, quand il explique auprès du Bureau de police « que dans la ville il y [a] beaucoup de mendiants attroupés qui font beaucoup de désordre dans la ville surtout dans la nuit ». Cette appréhension des pauvres migrants explique le système de contrôle très pointilleux et précis de tous les logements de la ville et de tous ceux qui sont hébergés à Montpellier. La nuit devient ainsi, dans cet imaginaire criminel, le moment où les malfaiteurs agissent puisqu’ils peuvent essayer de se cacher aux yeux des « policiens ».