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Les acteurs du siège

Portrait du duc de Rohan
Portrait du duc de Rohan
Conservé au Schweizerisches Landesmuseum de Zürich, huile sur toile (XVIIe s.)
Wikimedia Commons

Henri II duc de Rohan

Chef de guerre des rébellions huguenotes contre le pouvoir royal, Henri II de Rohan (1579-1638) est à la fois l’artisan et le grand absent du siège de Montpellier. Il organise les préparatifs durant l’été, mais il quitte la ville la veille du début des hostilités. Il va suivre l’essentiel des opérations à distance, de Nîmes, où il s’affaire pour trouver des renforts qui ne viennent pas. Au bout d’un mois, les Montpelliérains s’impatientent. Cette longue attente suscite de la méfiance. La lecture des articles particuliers de la paix de Montpellier, très favorables au duc et à sa famille, finit par convaincre certains de sa traitrise, si bien qu’il doit se justifier de son attitude dans ses Mémoires :

Voilà donc Montpellier assiégé, où je crois avoir fait humainement tout ce qui se pouvoit faire pour le fortifier et munir de soldats et de munitions de guerre et de bouche. Je ne m’arrêtai là que cinq semaines durant : je fis tous mes efforts à lever quatre mille hommes de guerre pour tenter d’y jeter un secours avant que M. le connétable et M. de Vendôme joignissent l’armée du Roi ; mais ce fut en vain, et je dirai qu’il me fut impossible de les mettre ensemble, qu’à condition, pour la plupart, de ne les enfermer dedans Montpellier.

Extrait des Mémoires d’Henri de Rohan, « Discours sur les raisons de la paix faite devant Montpellier ».

Vue du domaine de Méric
Vue du domaine de Méric
© Ville de Montpellier.

Améric d’Estienne d’Améric

Frère de Jean d’Estienne de Carlencas, capitaine calviniste, plusieurs fois consul de la ville, et de Jacques d’Estienne de Pradilles, professeur à la faculté de médecine, Améric d’Estienne d’Améric (c. 1550-1636) est surtout un notable montpelliérain, avant de se muer en chef de guerre inflexible et courageux en 1622. Conseiller juge au Présidial de Montpellier, il tient de son épouse Gervaise Hermet un mas à Puech Maupeau qui va prendre son nom par aphérèse : Méric. Côté Montpelliérain, c’est l’acteur principal des événements, mais une figure controversée : un fanatique iconoclaste pour le chanoine d’Aigrefeuille, le héros du siège pour le pasteur Philippe Corbière. Élu premier consul en 1622, après avoir été un des membres les plus zélés du Cercle, d’Améric assume ses responsabilités jusqu’au bout, administrant la ville dans un contexte extrême, gérant l’intendance militaire et soutenant les habitants.

« Que d’Améric ait prononcé quelques-unes des paroles qu’on lui attribue, paroles qui étaient assez dans les goûts de l’époque, cela importe peu. Mais si d’Améric a eu une langue acérée, il a eu une tête sage, un cœur valeureux, et, après une année de consulat dans les circonstances les plus difficiles, il est resté debout, malgré la chute, je ne dis pas la ruine, de sa cause ; aimé de ses amis qui n’ont pas voulu cesser de faire cause commune avec lui ; respecté de ses adversaires, dans les conseils desquels il a continué d’occuper une place honorable. » (Philppe Corbière)

Portrait du duc de Montmorency
Portrait du duc de Montmorency
Conservé au musée Carnavalet, huile sur toile (XVIIe s.)
Wikimedia Commons

Henri II duc de Montmorency

Côté catholique, face à Henri de Rohan, deux autres Henri se disputent la place de chef : le duc Henri II de Montmorency (1595-1632) et son beau-frère le prince Henri II de Bourbon-Condé (1588-1646). Montmorency est l’homme fort de la province, gouverneur militaire, représentant du roi et chef des armées en Languedoc. C’est un des grands seigneurs du royaume, implanté localement, comte de Pézenas où se retrouve toute la noblesse du Midi. Comme son père le connétable de Montmorency, c’est un politique, partisan de la paix civile et combattant les fauteurs de troubles, quelle que soit leur religion. Sa sœur Charlotte a épousé le prince de Condé, héritier présomptif de la couronne. Né protestant mais élevé dans la religion catholique, Condé s’est illustré à Nègrepelisse ou à Lunel par sa cruauté envers les rebelles. Montmorency, blessé au début du siège lors de l’assaut sur Saint-Denis le 2 septembre, laisse le champ libre à Condé. Mais le prince n’est pas plus heureux sur le terrain militaire, toutes ses attaques se soldant par des échecs. Les opérations de siège piétinent sous son commandement, ce qui convainc Louis XIII de changer de stratégie. Condé, désavoué, quitte Montpellier dès l’annonce de la trêve, avant même la fin des opérations. Il part en pèlerinage en Italie, accomplir un vœu à Notre-Dame de Lorette.

Portrait du maréchal de Bassompierre
Portrait du maréchal de Bassompierre
Conservé au Château de Beauregard, huile sur toile (XVIIe s.)
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François maréchal de Bassompierre

François de Bassompierre (1579-1646) est un des principaux militaires au service de Louis XIII. C’est au siège de Montpellier qu’il gagne son bâton de maréchal de France. Il joue un rôle déterminant dans les négociations qui précèdent le siège au camp de Lavérune et qui vont précipiter la solution armée. Il prend le parti du prince de Condé, « ennemy mortel de la paix ». Il rapporte dans ses mémoires le discours qu’il tint devant le roi le 29 août :

Sire, je suis d’avis que Vostre Majesté se leve de son conseil, et que par un noble et genereux desdain elle tesmoygne combien elle se sent offensée des propositions de ceux de Montpelier, et combien les avis que l’on luy donne en conformité luy sont desagreables. […] Le roy quy accepte ces conditions se doit preparer a recevoir de terribles oultrages des autres villes quy seront audacieuses par cet exemple et asseurées d’impunité par cette souffrance. […] Sire, au nom de Dieu, prenés une ferme resolution, et y perseverés, et mesmes vous y opiniastrés, de ruiner ce peuple parce qu’il est rebelle, et parce aussy qu’il est insolent et impudent, ou de le reduire a un entiere soumission et parfaitte repentance. […] Je ne puis gaigner au siege de Montpelier que beaucoup de peine, de dangereux coups, et peut estre la mort. […] Je courray neanmoins cette fortune, et supplier tres humblement Vostre Majesté de dilayer ma reception [à la charge de mareschal de France] jusques a ce que la ville de Montpelier soit reduite en son obeissance, et Vostre Majesté vengée de l’affront que ces rebelles vous ont voulu procurer.

Extrait du Journal de ma vie, mémoires du maréchal de Bassompierre

Portrait du duc de Lesdiguières
Portrait du duc de Lesdiguières
Conservé au Musée Magnin à Dijon, huile sur toile (1597)
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François duc de Lesdiguières

François de Bonne (1543-1626), duc de Lesdiguières, ancien chef des Huguenots du Dauphiné, proche d’Henri IV et de Marie de Médicis, est l’un des principaux chefs réformés rallié au pouvoir royal. Maréchal de France, il est fait connétable, commandant suprême des armées, à la veille du siège de Montpellier, après sa conversion au catholicisme durant l’été 1622. Louis XIII espère user de son influence comme médiateur auprès des protestants, mais il est considéré par ses anciens coreligionnaires comme « un traitre à la religion » (Mémoires d’André Delort). S’il ne peut empêcher le déclenchement des hostilités, il joue un rôle clé dans la résolution du conflit et la conclusion de la Paix de Montpellier, malgré l’opposition de Condé, partisan de la manière forte. Tandis qu’il apporte les derniers renforts, il négocie habilement en coulisse la paix avec Rohan. Il est l’artisan du retour de Rohan à Montpellier. Il obtient une trêve le 12 octobre, puis un accord le 18. Il prend possession de la ville le lendemain au nom du roi. Il fut le dernier connétable de France.