Les îliers ont en charge une portion de l’espace urbain, un « îlot ». Ils sont nommés par les consuls car ils font partie de la catégorie des « personnes reconnues », c’est-à-dire que leur probité et leur capacité à se démarquer du « populaire » sont connues des autorités de la ville. Pour autant, ils n’appartiennent pas tous aux groupes les plus haut-placés dans la hiérarchie urbaine.
Ils forment un groupe hétérogène socialement, tant par leur métier que par leur patrimoine. De plus, leur existence est remise en cause tout au long du XVIIIe siècle.
Ainsi, l’intendant Basville écrit en 1705, dans un mémoire projetant de réformer les institutions de la ville, que les îliers ne sont pas acceptés par la population, cette dernière ne dénonçant pas les « étrangers » comme elle le devrait. Pour cette raison, les îliers sont, selon lui, dans l’incapacité de surveiller les flux de population à l’échelle de leur quartier.
En 1755, grand moment de réformation du gouvernement de la ville, un projet élaboré au sein du Bureau de police est présenté au Conseil de Ville le 10 mars 1755, et approuvé.

Il prévoit simplement de supprimer les îliers et de les remplacer par des commissaires de quartier, au nombre de 18, soit trois par sixain. Cette réforme est inspirée explicitement du modèle parisien. Elle combine les fonctions que les îliers assurent déjà et une logique policière nouvelle, plus inquisitoriale. Cette logique vise à débusquer les contraventions économiques, ce que les îliers ne pratiquent pas, à la différence des inspecteurs du Bureau de police. Le projet est envoyé directement au ministre Saint-Florentin, sans passer par l’intendant. Le circuit est révélateur des tensions existant entre le maire et l’intendant : la ville ne souhaite pas mêler le plus grand officier de la province à cette réforme, car il s’y est opposé dans un précédent avis rendu en janvier. Son opposition est fondée sur une lecture différente de la ville. L’intendant développe une appréhension numérique de l’espace urbain et de sa population :
« Je ne comprends pas la nécessité de l’établissement [des commissaires]. Il se trouve au plus 30 000 personnes dans la ville de Montpellier, ce qui fait environ 6 000 familles.
30 000 personnes divisées par 18 commissaires [soit] environ 1 700 pour chaque commissaire.
Au lieu qu’à Paris on compte communément 1 000,000 de personnes lesquelles divisées par 40 [commissaires] donnent environ 25 000 personnes ou 5 000 familles par commissaire.
Après ces remarques, Saint-Priest propose un autre découpage territorial.
Ne seroit-il pas mieux de diviser la ville en 8 quartiers un pour chaque officier municipal [les six consuls, le maire et le lieutenant de maire], en sorte qu’ils auroient chacun 3 950 personnes. 6 quartiers n’en seroient suffisans un par chaque consul a qui l’on [affecterait] le nombre de 5 000 personnes […]. [ADH, C 1097, « Observations sur le projet d’établissement de 18 commissaires », 30 janvier 1755]
Dans les faits, la réforme n’aboutit pas, et les îliers restent en fonction. Les autorités décident alors de les contrôler plus étroitement.