Depuis le jour fatal que vos gens com-mencerent à pulluler dans le Royaume,depuis que Calvin eut envenimé cesteMonarchie de ses monstrueuses & dam-nables propositions, on n’a veu naistreque malheurs, que desolation, que calami-tez publiques, que guerres, & que discor-de parmy la France ; cest Empire, aupa-ravant le sejour de la paix & la demeureordinaire des vertus, où avec seureté ellesavoient restabli les anciennes richessesdu Siecle de Saturne, & fait renaistre lamajesté auguste de nos premiers peres, &des sacrez rejettons de l’Eglise, a esté d’au-tant rabaissée de son premier degré qu’au-paravant il avoit un ascendant advanta-geux sur les autres parties du monde ; nostemples, auparavant l’honneur de l’Euro-pe, & où Dieu estoit vrayment recogneu,furent la carriere où vos fureurs borne-rent leurs courses, pillans, bruslans, sac-cageans & ravissant toutes les richessesqui s’y rencontroient ; vous y avez exer-cé mille & mille cruautez & insolences ;mais depuis quelque temps, où vous aporté vostre rage effrenée, n’avons-nouspas veu à nos yeux, depuis deux ans, tou-te la Guienne, le Languedoc, Gevo-dan, Vivarets, Poitou & autres provin-ces souffrir des extorsions estranges pourvostre suject ? quelle pillerie n’a exercéSoubise au Poitou (mais il en a payé lesarrerages) que n’ont pas fait ceux de laRochelle & de Montauban, sur leursvoysins mesmes, & sur ceux qui estoientde leur religion ! Que n’a on point exco-gité à Nismes, Castres & Mont-pellier,pour s’opposer directement au service duRoy, en vain pourtant : car tost ou tardil faut succomber & quitter cest os si longtemps rongé par vous, il faut demordre& abandonner les places où vous avezdeliberé d’establir vostre Empire, voicydes jours qui vous sont bien caniculaires& climateriques. Avec combien de regretvoyez vous tous les jours empieter denouvelles places sur vous, avec quelledouleur voyez vous tant de lauriers & depalmes se joindre aux victoires & triom-phes du Roy, pour luy faire une guirlan-de qui fera éternellement reverdir soncourage ? Mais il vous faut prendre pa-tience, l’Eglise de Christ ne sera pas tous-jours affligée, le troupeau esleu ne serapas tousjours tourmenté des loups, ilfaut tacher à prendre courage, & ne per-dre du tout vostre premiere vigueur, voi-
cy un COURT-BOUILLON que je vousapporte pour vous remettre en vostrepristine santé, & vous reintegrer en vospremieres forces, puis que LA FORCE vousa quitté au besoin, & qu’il a abandonné labergerie, aussi bien que DU MOULIN, vo-stre pasteur ; vous m’accuserez peut estrede trop de temerité de vous avoir prepa-ré ce bouillon en un temps si facheux, & oùil semble que le Ciel n’ait des foudresque pour se vanger de vos revoltes ; tou-tesfois, ce n’est que l’affection que j’ay àvos merites qui m’y a poussé ; je vous eussebien apporté un potage blanc pour vousrefaire de toutes les camisades qu’onvous a donné depuis deux ans, mais j’aybien preveu que cela vous eut eschaufé lesang davantage. J’avois du commencementquelque intention de vous faire un ha-chis : mais me souvenant qu’on vous enavoit fait manger un plat dans l’Isle deRié, & que journelement le Roy vousnourrit et entretient de telles viandes, j’aydesisté de ma proposition, de vous apor-ter une capilotade, ou quelque fricasséeà la huguenotte eut esté renouveller lesanciennes ligues. J’ay mieux aymé vousaccommoder au COVRT-BOVILLON,puis que de vous mesmes vous aymez LASAVSSE D’ALLEMAGNE, & le haut goust.Le lieu où je vous veux apprester &faire cuire ce Court-bouillon, ce sontvos villes propres qui serviront d’ingre-diens à vous mesmes pour finir vos jours ;la Rochelle me fournira de vinaigre,Montauban de verjeus, Mont-pellier depoyvre, Castres de cloux de girofle, Nis-mes d’espice, & Sedan de tous les autresingrediens necessaires à ce Court-bouil-lon, vinaigre qui vous doit faire sentirl’aspreté de ses pointes, & le goust indi-geste de sa crudité, verjus qui ne laisserameurir d’avantage vos desseins & vosmonopolles ains par un restringent à cerequis vous coupera l’herbe sous le pied,pour vous faire savourer l’acrimonie deson goust, poivre qui vous eschaufera te-lement le sang, que la pleuresie butinerale reste de vos jours, cloux de giroflesqui doivent enfin vous faire sentir lespointes de l’ire du Ciel, espices qui ferontque le procez ne sera jugé qu’à vostre des-advantage, & pour couper court, parlantde Court-bouillon, ingrediens qui par lamixtion dangereuse de leur nature doi-vent bien tost engendrer en vous desqualitez contraires, qui vous contrain-
dront de quitter la place. Cest à toyBOVILLON, qui jusques icy a si bien fait lachattemite, pour te joindre aux Raistres,que toy & tes compagnons ont fait venirà leurs secours, cest à toy à qui le premierje veux bailler à humer ce Court-bouil-lon, jusques icy je n’ay fait que la Sausse,les Raistres me serviront de poisson, oupour mieux dire de poizon, pour vousfaire tous succomber sous vos revoltes.Monsieur de Nevers, prince genereux,sera celuy qui vous contraindra de l’aval-ler malgré vous, Manfeld y trouvera dequoy contenter ses appetits, mais garde laqueuë, on ne les laissera pas venir jusquesà Auneau, la frontiere est assez capablede les ensevelir. Pour Nismes & Castres,rien ne leur servira d’avoir le duc deRohan ; avec eux M. le Prince [de Condé] leur feraavaller ce Bouillon, à Mont-pellier il yfait bien chaud pour les habitans qui sontdesja à demy poivrez ; le Roy leur donned’estranges restringens, & le duc Dedi-guieres [de Lesdiguières], qui ne s’oubliera pas à leur fairehumer le potage, il se souvient encor del’afront qu’on luy fit au massacre du Pre-sident du Cros, qu’il y avoit envoyé ; rienne leur servira d’avoir toute l’escholle demedecine avec eux pour consulter leurmaladie, puis qu’une pleuresie ne consistequ’en la seignée. Il y a de bons chirur-giens en l’armée du Roy ; Monsieur deZamet leur a desja monstré, que nonob-stant la peur qu’il leur donna, il sçeut bientirer du sang de leur troupes derniere-ment, pour Montauban, puis qu’il four-nit le verjus, cest bien la raison qu’on luyface prendre ce Court-bouillon à demicuit. Monsieur de Vandosme luy fera cebon office, à fin de relever les citoyensdes fatigues qu’ils ont eu depuis le com-mencement du siege ; quant à la Rochelle,elle aura moyen avec le temps, de mettrede l’eau en son vin ; je sçay bien qu’elletrouvera ce Court-bouillon bien aigre, ilfaudra pourtant l’avaller. Monsieur leComte de Soissons, & Monsieur de Guise,qui tienent les advenuës, sçauront bienprendre le temps, & l’occasion de luydonner cest ingrédient ; cela luy donnerades sincoppes, mal de cœur & indigestionsd’estomach ; mais en ce cas, le meilleursera de prendre patience, & de prier Dieupour les mal traittez, & ce que je trouvede pire est que les medecins de Mont-pellier ne pouront venir au secours : carils sont bien empeschez.