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L’histoire de la collection italienne

Récit – De la Révolution à nos jours

Épisode 1

Avant la Révolution française, la peinture italienne est peu présente à Montpellier. Les églises de la ville sont décorées par des peintres de la région et la plupart des collectionneurs préfèrent accumuler dans leur cabinet des sculptures antiques, des médailles ou des livres précieux. Seule l’extraordinaire chapelle de la famille Deydé, aménagée dans la cathédrale à la fin du XVIIe siècle, permettait de percevoir l’art des sculpteurs et peintres génois sollicités par Pierre Puget, le concepteur du décor.

L'image représente une scène dynamique, probablement inspirée d'un événement historique ou biblique, avec une multitude de personnages engagés dans une bataille ou un conflit. Au centre, un homme en costume rouge brandit une arme, tandis que d'autres figures se battent à terre. En arrière-plan, des tentes sont visibles, suggérant un camp militaire. Au-dessus, une scène céleste est présente, avec des anges et une figure divine observant la scène en contrebas. Les couleurs sont vives et créent une atmosphère dramatique, illustrant la tension et l'action de la situation.
Jacopo Negretti dit Palma le jeune
Le Martyre de saint Donatien et de ses compagnons à Carthage, 1593
Huile sur toile, 335 cm × 241 cm
2012.19.22
Musée Fabre Dépôt de l’Etat, 1804. Transfert de propriété des œuvres de l’Etat, en dépôt au musée Fabre, 2012

Sous la Révolution, les choses changent. Un musée est fondé le 11 août 1795 par le directoire du département de l’Hérault. Des tableaux sont saisis dans les collections et les églises de la ville. Surtout, en 1803 et 1804, l’Etat envoie un ensemble de 27 tableaux, dont 6 peintures italiennes.

C’est notamment le cas d’une grande toile du peintre vénitien de la fin de la Renaissance Palma le jeune, Le Martyre de saint Donatien et de ses compagnons à Carthage. Le tableau avait été saisi en 1796 par les armées révolutionnaires dans l’église de Crémone en Italie.

L'image représente une scène historique ou biblique, où un groupe de personnes est rassemblé dans un environnement naturel. Au centre, une figure importante, probablement un sage ou un leader, se tient debout avec une robe claire et une sorte de couronne ou de coiffe distinctive. Les autres personnages, positionnés autour de lui, semblent engagés dans diverses interactions : certains sont assis, d'autres se déplacent, exprimant des émotions variées. L'arrière-plan montre des arbres et peut-être des collines, créant une atmosphère dramatique et solennelle. Les couleurs sont riches et variées, ajoutant à la profondeur de la composition.
Mattia Preti dit il Cavaliere Calabrese
Moïse sur le Sinaï, Vers 1630 - 1640
Huile sur toile, 125 cm × 272 cm
2012.19.25
Musée Fabre Dépôt de l’Etat, 1803. Transfert de propriété des œuvres de l’Etat, en dépôt au musée Fabre, 2012

Le gouvernement envoie également une composition de Mattia Preti, peintre du XVIIe siècle actif à Rome, Naples et Malte, Moïse sur le mont Sinaï. Le tableau avait été réquisitionné en 1799 par les armées du Directoire à Turin, dans les collections des princes de Savoie.

Francesco Albani dit l’Albane
Adam et Eve chassés du Paradis, Vers 1650 - 1660
Huile sur toile, 68 cm × 52 cm
2012.19.5
Musée Fabre Dépôt de l’Etat, 1803. Transfert de propriété des œuvres de l’Etat, en dépôt au musée Fabre, 2012

Un troisième tableau a eu une histoire pleine de rebondissements : L’Adam et Eve chassé du Paradis, peint par l’atelier du Bolonais Francesco Albani, dit l’Albane, dans les années 1650. Cette peinture est acquise par Louis XIV puis intégrée au décor de l’antichambre des Chiens, au sein des petits appartements de Louis XV. Le tableau est saisi sous la Révolution, puis envoyé à Montpellier en 1803. Il a finalement retrouvé le chemin du château de Versailles et a été réintégré en dessus de porte au sein de l’antichambre des Chiens en 2010. En échange, le château de Versailles a déposé au musée de Montpellier le grand tableau d’Alexandre Cabanel, La Glorification de saint Louis (1853-1855).

À la même époque, un peintre montpelliérain installé à Rome puis à Florence, François-Xavier Fabre, commence à se constituer une belle collection de peintures italiennes…

Fabre et la copie des œuvres italiennes

L'image présente un portrait d'un jeune homme. Il a des cheveux blancs bouclés et porte un habit de couleur sombre, agrémenté d'une cravate blanche. Son expression est sérieuse, et son regard semble pénétrant. Le fond est de couleur neutre, ce qui met en valeur les détails du visage et de la tenue. Les touches de couleur sur son visage donnent une impression de douceur et de délicatesse.
François-Xavier Fabre
Autoportrait, Vers 1784
Huile sur toile, 54 cm × 44 cm
837.1.122
Musée Fabre Legs François-Xavier Fabre, 1837

François-Xavier Fabre (1766-1837), peintre et collectionneur, est le personnage central de l’histoire de la collection des peintures italiennes du musée de Montpellier. En effet, il a offert près de la moitié des deux cents tableaux italiens.

Fabre nait à Montpellier en 1766 et reçoit ses premières leçons de dessin dans les classes de l’école gratuite de Montpellier, dès 1779. En 1783, il gagne Paris et poursuit sa formation dans l’atelier du célèbre Jacques Louis David (1748-1825). Après son succès au Grand Prix de peinture de l’Académie en 1787, il se rend en Italie et s’installe au Palais Mancini, siège de l’Académie de France à Rome.

  • Le Crucifiement de saint Pierre
    Le Crucifiement de saint Pierre
    Guido Reni, 1604-1605
    Huile sur toile, 305 x 171 cm,
    Vatican, Musei Vaticani, inv. 40387
  • Le Crucifiement de saint Pierre
    Le Crucifiement de saint Pierre
    François-Xavier Fabre d’après Guido Reni, 1789
    315 x 194 cm, propriété de l’Etat, déposé à Tonnerre (Yonne), Hôtel-Dieu

La copie est alors le coeur de l’enseignement artistique des jeunes élèves, qui doivent s’imprégner des chefs-d’oeuvre de l’Antiquité comme des maîtres italiens de la Renaissance et du XVIIe siècle.

Comme tous les pensionnaires, Fabre doit peindre une copie pour le roi et choisit Le Crucifiement de saint Pierre (1604-1605) du peintre Bolonais Guido Reni (1572-1642), issu des précieuses collections du pape. Cette copie est aujourd’hui conservée à Tonnerre en Bourgogne.

La Révolution débute en 1789 et en janvier 1793, une émeute anti-française éclate dans Rome. Les Romains, excédés par la politique anticléricale menée par la France, envahissent le Palais Mancini et assassinent le représentant de la Convention ! 

Vue sur le Corso du Palais Mancini à Rome
Vue sur le Corso du Palais Mancini à Rome
Giovanni Battista Piranesi, dit Piranèse, 1748-1775
gravure à l’eau forte, 54,2 x 78 cm

Les jeunes artistes fuient la ville en catastrophe et Fabre trouve refuge à Florence où il décide de s’établir. Pour survivre, il devient le portraitiste des voyageurs du Grand Tour, mais exécute également des copies des chefs d’oeuvre de la Renaissance, que lui achètent ces voyageurs internationaux qui visitent l’Italie. Fabre a une prédilection toute particulière pour Raphaël, et peint de nombreuses copies de la fameuse Vierge à la chaise du Palazzo Pitti.

  • La Vierge à la chaise
    La Vierge à la chaise
    Raphaël, 1513-1514,
    huile sur bois, diam. 71 cm, Florence, Palazzo Pitti, inv. LXVI K.C.77
  • François-Xavier Fabre
    La Vierge à la chaise d’après Raphaël, 1798
    Huile sur toile, 76 cm × 75 cm
    825.1.185
    Musée Fabre Don François-Xavier Fabre, 1825

Le musée Fabre conserve une de ses copies où se devine toute l’admiration du peintre montpelliérain pour le génie de la Renaissance. C’est à travers cette pratique de la copie qu’il va pleinement s’approprier le langage artistique de l’Italie.

Vue de Florence depuis le parc des Cascine
Vue de Florence depuis le parc des Cascine
François-Xavier Fabre, 1813
huile sur toile, 96 x 135 cm
Edimbourg, National Gallery of Scotland, inv. NG2692

Installé à Florence depuis 1793, Fabre devient peu à peu un des plus un des plus célèbres Français de la capitale toscane. Devenu l’ami du poète Vittorio Alfieri et de Louise de Stolberg, comtesse d’Albany, le peintre fréquente leur fameux salon où il rencontre la société cosmopolite du Grand Tour qui devient sa clientèle. Il réalise les portraits des jeunes aristocrates britanniques, princes russes, écrivains polonais, diplomates suédois, dignitaires portugais qui visitent l’Italie. 

Le Peintre François-Xavier Fabre (étude)
Le Peintre François-Xavier Fabre (étude)
Pietro Benvenuti, 1813, 
crayon graphite, Florence, Museo degli Uffizi, inv. 12019v

Mais ce microcosme paisible est bientôt rattrapé par l’histoire, alors que les armées françaises diffusent la Révolution à travers l’Italie. En 1801, la Toscane devient un Etat satellite de la République française et Napoléon installe sa soeur Elisa Bacciochi sur le trône de Toscane en 1807. Les clients de Fabre sont désormais des généraux, diplomates et administrateurs français. Mais l’artiste, qui possède un oeil averti et de solides relations dans le milieu florentin, ne vend pas seulement ses propres toiles : il devient bientôt marchand de tableaux italiens pour cette nouvelle élite.

  • L'image présente un portrait d'un homme au visage jeune et sérieux, avec des cheveux bruns et des boucles. Il porte des vêtements d'époque comprenant une chemise blanche avec un col montant et une veste sombre. Son expression est attentive, et il semble réfléchir. Le fond est neutre, mettant en valeur les traits du visage et les détails de sa tenue.
    François-Xavier Fabre
    Portrait de Lucien Bonaparte (1775-1840), 1808
    Huile sur toile, 46 cm × 38 cm
    837.1.110
    Musée Fabre Legs François-Xavier Fabre, 1837
  • Portrait de Luca Penni, dit le Fattorino
    Portrait de Luca Penni, dit le Fattorino
    Angelo Testa, d’après Raphaël, 1812, gravure à l’eau-forte

Sa première transaction est un grand coup : en 1802, il vend un Raphaël, le Portrait de Luca Penni, un des élèves du maître surnommé le Fattorino, à Lucien Bonaparte, frère de Napoléon, qui se constitue alors une somptueuse collection. Ce tableau a aujourd’hui disparu, mais nous est connu par la gravure, et réapparaîtra peut-être un jour. Fabre décuple sa mise, acquiert bien d’autres tableaux et s’abandonne « à la fureur d’acheter et de vendre » selon le mot de la comtesse d’Albany.

Le Repos de la Sainte Famille pendant la Fuite en Egypte
Le Repos de la Sainte Famille pendant la Fuite en Egypte
Jacopo Vignali, huile sur toile, 176 x 218 cm, Fontainebleau, musée national du château, dépôt du musée du Louvre, inv. MR 461

L’année suivante, il est en affaire avec Dominique-Vivant Denon, directeur du Muséum central des arts, le Louvre actuel, et lui vend en 1806 plusieurs tableaux italiens, dont la très belle Sainte Famille du peintre florentin du XVIIe siècle Jacopo Vignali, aujourd’hui au château de Fontainebleau.

Camée d'Auguste, dit Camée Blacas
Camée d’Auguste, dit Camée Blacas
Anonyme, vers 14-20 après Jésus-Christ,
sardoine, 12,8 x 9,3 cm,
Londres, British Museum, inv. GR 1867.5-7.484

En 1816, il joue le rôle d’entremetteur pour aider le duc de Blacas, grand amateur, à acquérir les fabuleux gemmes et camées de la collection Strozzi, dont le superbe Camée d’Auguste, aujourd’hui au British Museum.

À force d’acheter et de vendre, Fabre prend goût au collectionnisme, et commence à se constituer une très belle collection personnelle qu’il réunit dans ses appartements florentins.

Elisa Bonaparte entourée d'artistes à Florence
Elisa Bonaparte entourée d’artistes à Florence
Pietro Benvenuti, 1813,
huile sur toile, 325 x 485 cm,
Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, inv. MV 6770

Au fil des années, les affaires de Fabre sont de plus en plus prospères. En 1813, son ami le peintre Pietro Benvenuti le fait apparaître au premier rang des artistes gravitant autour d’Elisa Bonaparte, soeur de Napoléon, grande duchesse de Toscane, ce qui illustre bien l’ascension sociale du peintre montpelliérain et sa place éminente dans le monde des arts à Florence. On le reconnait assis, occupé à peindre, juste à gauche du buste en marbre blanc présenté par son ami Antonio Canova.

Fabre se constitue une prestigieuse collection personnelle, où l’art italien est dominant. Il acquiert ainsi un précieux petit panneau primitif italien du XIVe siècle, sur fond d’or, représentant la Dormition de la Vierge, et qu’il croit de Giotto. 

  • L'image représente une scène religieuse, probablement une représentation de la Vierge Marie entourée de figures saintes. Au centre, on peut voir Marie tenant l'enfant Jésus, tandis qu'un groupe d'apôtres et de saints est rassemblé autour d'elle. En haut, des anges semblent regarder la scène, ajoutant une dimension céleste. L'arrière-plan doré renforce l'aspect sacré de l'image. Les détails des vêtements et des visages montrent un style artistique riche et symbolique, typique de l'art religieux.
    Pietro da Rimini
    La Dormition de la Vierge, Vers  1315 - 1320
    Tempera à l’oeuf et feuille d’or sur bois (peuplier), 20 cm × 16 cm
    825.1.122
    Musée Fabre Don François-Xavier Fabre, 1825
  • Cette image représente une scène biblique avec Jésus-Christ au centre, montrant des expressions de douleur et de souffrance. Il est entouré de deux personnages : l'un, à gauche, porte un turban et semble discuter ou interroger, tandis que l'autre, à droite, est vêtu d'un chapeau rouge. Le tableau évoque des thèmes de jugement et de compassion, avec un fond sombre qui accentue les figures principales. Les détails des vêtements et des expressions des personnages ajoutent une dimension dramatique à la scène.
    attribuea Lodovico Cardi dit Il Cigoli
    Ecce homo, 1607
    Huile sur toile, 183 cm × 147 cm
    825.1.31
    Musée Fabre Don François-Xavier Fabre, 1825

Il acquiert également une importante réplique de l’Ecce Homo de Cigoli, conservé au Palais Pitti. Dans ce tableau de 1607, Cigoli, important artiste florentin de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècle, convoque le sens du drame de Caravage qu’il allie à une sensibilité coloriste éclatante.

L'image représente la Vierge Marie tenant des fleurs tout en regardant l'Enfant Jésus, qui est à côté d'elle. Marie est vêtue d'une robe bleue et d'un manteau sombre, tandis que Jésus est nu, avec des langes autour de lui. Ils projettent une expression douce et bienveillante, symbolisée par un halo lumineux autour de la tête de Jésus. Les fleurs dans les mains de Marie ajoutent une touche de couleur et de symbolisme, souvent associée à la pureté et à la maternité. Le fond semble être simple, mettant en valeur la relation intime et affectueuse entre mère et fils. Le tout est encadré dans un cadre doré orné.
Carlo Dolci
La Vierge au lys, 1642
Huile sur toile, 80 cm × 66 cm
825.1.45
Musée Fabre Don François-Xavier Fabre, 1825

C’est peut-être lors d’une vente des collections de la famille florentine des Riccardi qu’il achète la splendide Vierge au lys de Carlo Dolci, un des plus grands maîtres florentin du XVIIe siècle. La douceur des visages de l’Enfant Jésus et de sa mère n’ont d’égal que le raffinement extraordinaire du pinceau de l’artiste dans le rendu des matières, en particulier du bouquet de fleurs éblouissant. 

Fabre a également une grande prédilection pour la peinture de Nicolas Poussin, qui passa toute sa carrière à Rome. Lors d’un séjour dans la ville éternelle en 1804, il achète l’intrigant Martyre de sainte Cécile, qu’il croit de Poussin et qui provient de la belle collection du bailli de Breteuil. 

L'image représente une scène dramatique, probablement liée à un événement religieux. On y voit une figure centrale, allongée sur le sol, semblant inconsciente ou mourante. Autour d'elle, plusieurs personnages sont rassemblés, certains exprimant des émotions de tristesse ou de désespoir. Un ange, flottant au-dessus, semble apporter un signe de réconfort ou une bénédiction. La composition montre une forte utilisation de la lumière et de l'ombre, accentuant le côté dramatique de la scène. Les personnages sont vêtus de robes historiques, et l'architecture en arrière-plan ajoute à l'ambiance solennelle.
Le Martyre de sainte Cécile, 1620-1625
Huile sur toile, 99 cm × 136 cm
825.1.166
Musée Fabre Don François-Xavier Fabre, 1825

Comme on le verra, bien des tableaux de Fabre seront finalement réattribués à d’autres artistes, tandis que certaines œuvres resteront mystérieusement anonymes. Suivez la suite de cette histoire de la collection pour découvrir l’évolution des recherches sur la collection des peintures italiennes du musée Fabre, au fil des décennies et des siècles.

En 1817, Fabre acquiert un palais à Florence, dans le quartier de l’Oltrarno, pour exposer sa collection. L’actuel Palazzo Mazzei se trouve à l’angle de la via de’ Serragli et de la via Santa Monica. Il y reçoit de nombreux voyageurs de passage, curieux de découvrir ces peintures, notamment les peintres Auguste Vinchon, Gioacchino Serangeli, Jean Victor Schnetz, Théodore Géricault, François Marius Granet ainsi que les écrivains Stendhal ou Etienne Delécluze. Delécluze relate sa visite dans Le Journal des débats du 9 août 1824, consultable sur Gallica, p. 2.  

  • Vue du Palais de François-Xavier Fabre à Florence, actuel Palazzo Mazzei
    Vue du Palais de François-Xavier Fabre à Florence, actuel Palazzo Mazzei
    Anonyme, vers 1800, plume, lavis d’encre, aquarelle, Montpellier, Médiathèque centrale Emile-Zola, Est. 1398
  • Le Palazzo Mazzei à Florence, de nos jours
    Le Palazzo Mazzei à Florence, de nos jours
L'image représente un portrait d'un jeune homme, probablement de la Renaissance. Il a les cheveux longs et exige une coiffe noire, typique de l'époque. Son expression est calme et réfléchie, et il porte une tunique foncée avec un col blanc. L'arrière-plan est d'un vert uni, ce qui met en valeur son visage et sa tenue. Les détails du tableau témoignent d'une maîtrise technique et d'un style typique des portraits de cette période.
Andrea del Brescianino
Portrait de jeune homme, Vers 1510 - 1515
Huile sur bois, 63 cm × 52 cm
825.1.184
Musée Fabre Don François-Xavier Fabre, 1825

Le tableau qui attire le plus l’attention est l’élégant Portrait de jeune homme, considéré par tous comme un authentique tableau Raphaël. Les circonstances de sa découverte sont pour le moins rocambolesques. Elle nous sont racontées par Jules Renouvier en 1843 : 

De pauvres gens trouvèrent en réparant leur vieille maison un panneau de bois dur fixé contre une petite fenêtre condamnée ; ils l’enlevèrent et aperçurent, à travers une couche épaisse de poussière et de fumée, des traces de peinture qui, mises sous les yeux de quelque peintre, leur voisin, furent jugées de quelque qualité. Ils l’apportèrent alors à M. Fabre. Celui-ci l’examina de près, n’en dissimula pas le mérite ; mais comme la restauration et le redressement du panneau tout déjeté étaient des opérations difficiles et chanceuses, il en offrit 487 louis, et prenez les tout de suite, dit-il aux vendeurs, avec la brusquerie qui lui était familière, ou ne revenez plus. Ils les prirent. M. Fabre put dire : j’ai un Raphaël.

Fabre a-t-il voulu cacher une provenance illicite ou peu avouable avec ce récit ? Ou bien a-t-il souhaité construire sa légende de connaisseur infaillible ? Nous l’ignorons encore aujourd’hui...

Avec le décès de la comtesse d’Albany en 1824, Fabre se retrouve l’héritier de sa collection de peinture ainsi que de l’extraordinaire bibliothèque de son compagnon, le poète Vittorio Alfieri. Vieillissant, entouré de souvenirs à Florence, Fabre songe désormais à laisser sa trace dans l’histoire et décide de rentrer en France pour offrir sa collection à sa ville natale en échange de la construction d’un musée destiné à l’accueillir. Le 24 octobre 1824, il est de retour à Montpellier.

Tommaso Baroffi, Frise des Griffons, vers 1827-1828, Musée Fabre, Montpellier.

"Monsieur le Maire,

Je possède, en Italie, un nombre assez considérable de tableaux anciens et modernes, de livres, estampes, dessins et autres objets d’art dont je me propose de faire hommage à la Commune de Montpellier, ma ville natale (…). J’exige pour première condition que cette collection (...) doive appartenir à perpétuité à la Commune de Montpellier, réunie dans un seul et même local."

Vue de la façade du musée Fabre sur la rue Montpelliéret, 1825-1826, Montpellier
Vue de la façade du musée Fabre sur la rue Montpelliéret, 1825-1826, Montpellier

C’est par ces mots que François-Xavier Fabre annonce la donation de sa collection dans une lettre du 5 janvier 1825 au maire de Montpellier, qui accepte le don. Les travaux débutent rapidement et l’établissement ouvre ses portes dans une inauguration solennelle le 2 décembre 1828. L’établissement est réalisé sur les plans des architectes municipaux Fovis et Boué, selon les conseils de Fabre lui-même. Dans cette architecture, tout évoque l’Italie. La façade de l’ancienne entrée sur la rue Montpelliéret, par ses pilastres, son appareil de pierres aux lignes de refend, ses fenêtres aux consoles en volutes rappellent les palais florentins de la Renaissance, quant aux fenêtres thermales de la partie supérieure, elles évoquent l’art de Palladio et Serlio. L’intérieur du musée était décoré par des fresques décoratives à l’antique, exécutées par le peintre Tommaso Baroffi. Elles donnaient un caractère particulièrement majestueux à l’établissement. Les griffons monumentaux de la galerie du même nom en gardent aujourd’hui la mémoire.

  • Projets de décors pour le musée Fabre
    Projets de décors pour le musée Fabre
    Tommaso Baroffi, crayon et plume, 1827, Montpellier, Médiathèque centrale Emile-Zola
  • Projet d'élévation de la façade du musée Fabre
    Projet d’élévation de la façade du musée Fabre
    Fovis et Boué, 1825,
    Montpellier, archives municipales de Montpellier

Après avoir concrétisé le don de sa collection à la Ville de Montpellier au printemps 1825, Fabre retourne à Florence pour un an. C’est peut-être pendant ce court séjour, de juin 1825 à juin 1826, qu’il réalise ses plus belles acquisitions de peinture italienne. 

L'image représente un homme nu, assis sur un rocher, avec un drap rose drapé sur une partie de son corps. Il est pensif et regarde au loin, semblant perdu dans ses pensées. À côté de lui, un bâton est planté dans le sol, et on aperçoit un paysage verdoyant en arrière-plan, avec des arbres et un ruisseau qui serpentent. La lumière douce semble provenir d'une source dans le ciel, illuminant la scène d'une ambiance paisible et contemplative.
Alessandro Allori
Saint Jean-Baptiste dans le désert, 1586
Huile sur cuivre, 34 cm × 26 cm
837.1.1
Musée Fabre Legs François-Xavier Fabre, 1837

Dès son arrivée, il achète un très précieux petit cuivre représentant Saint Jean Baptiste dans le désert, peint en 1586 par Alessandro Allori. Allori est un des derniers représentants du maniérisme, mouvement fondamental dans la peinture florentine du XVIe siècle. Dans cette peinture, l’artiste illustre sa dette à l’égard de la maniera de Michel Ange à travers la pose du jeune saint, serpentine et élégante, inspirée des ignudi du plafond de la Chapelle Sixtine, ainsi que par l’usage d’un rose acide et froid, qui rappelle les tonalités savantes du grand Buonarotti. L’ouverture vers le paysage, avec les arbres et les feuillages délicatement ciselés, avec les jeux de contrastes entre ombre et lumière, rappellent les paysages flamands de ce temps, notamment de Paul Bril ou d’Adam Eslheimer.

Cette image représente une femme au visage émacié et à l'expression contemplative. Elle est nue au torse et porte un drapé brun qui entoure ses épaules. Son regard est dirigé vers le haut, exprimant une certaine introspection ou une quête spirituelle. À ses côtés, on voit une tête de mort, symbolisant la mortalité, et un crâne partiellement ébréché sur un socle. Le fond présente des rochers et un ciel nuageux, ajoutant une atmosphère dramatique à la scène. L'ensemble évoque des thèmes de souffrance, de réflexion sur la vie et la mort.
Jusepe de Ribera dit l’Espagnolet
Sainte Marie l’Egyptienne, 1641
Huile sur toile, 132 cm × 108 cm
837.1.27
Musée Fabre Legs François-Xavier Fabre, 1837

Fabre se positionne également sur la vente de la fabuleuse collection de peinture de la famille Gerini. À la vente du 1er décembre 1825, il acquiert la saisissante Sainte Marie l’Egyptienne de Jusepe de Ribera, peintre d’origine espagnole qui accomplit toute sa carrière à Rome et surtout à Naples. L’image bouleversante de la femme ermite est traitée avec un réalisme cru qui ne dissimule pas les souffrances de l’ascèse, pour mieux souligner la profondeur du sentiment mystique. La figure, pyramidale et majestueuse, s’inscrit dans un paysage en camaïeux de brun à la fois sobre et virtuose. En 1875, Louis Gonse affirmait qu’il s’agissait du « plus beau Ribera que nous connaissions en France ».

L'image représente une scène religieuse, probablement en lien avec la Vierge Marie et l'Enfant Jésus. Au centre, on voit la Vierge tenant l'Enfant sur ses genoux, tandis qu'une figure angélique, à gauche, semble s'adresser à l'Enfant. La composition est entourée de riches drapés et d'un paysage naturel en arrière-plan. Les couleurs sont vibrantes, avec une lumière douce qui illumine les visages des personnages.
Paolo Caliari dit Véronèse
Le mariage mystique de sainte Catherine, Vers 1560 - 1565
Huile sur toile, 130 cm × 130 cm
837.1.69
Musée Fabre Legs François-Xavier Fabre, 1837

Enfin, toujours de la collection Gerini, Fabre fait l’acquisition du Mariage mystique de sainte Catherine de Véronèse. Cette toile, peinte au début de la carrière de l’artiste, est un très beau témoignage du réalisme tendre de Véronèse, servi par un pinceau éclatant et riche bien caractéristique des maîtres de Venise. Le magnifique brocard couvrant la sainte fait de cette toile un véritable chef-d’oeuvre. Fasciné par la beauté du tableau, le jeune Frédéric Bazille en réalisa une copie bien plus tard, en 1864, que son père offrit à l’église de Beaune-la-Rolande, ville qui fut le théâtre du décès tragique du jeune artiste pendant la guerre de 1870.

Au mois de mai 1826, Fabre embarque à Livourne sur La Chevrette, un navire rempli des 120 caisses de sa collection, à destination de Montpellier, alors que le chantier du musée a déjà débuté.

L'image représente un portrait d'un homme vêtu d'une veste noire et d'une chemise blanche avec un cravat. Il a les cheveux gris et un regard sérieux. En arrière-plan, on peut apercevoir un paysage avec des montagnes et un ciel nuageux. Le style du portrait suggère une époque historique, probablement du début du 19e siècle.
François-Xavier Fabre
Autoportrait âgé, 1835
Huile sur toile, 72 cm × 59 cm
837.1.30
Musée Fabre Legs François-Xavier Fabre, 1837

Le musée Fabre ouvre ses porte le 2 décembre 1828, jour de la saint François-Xavier. En remerciement de sa libéralité envers sa ville natale, l’artiste est fait baron par le roi Charles X. L’ouverture de l’établissement est un triomphe et tous louent la beauté des collections, en particulier des tableaux italiens.

Portrait de Stendhal
Portrait de Stendhal
Johan Olaf Sodermark, 1840,
huile sur toile, 62 x 53 cm, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

Parmi les visiteurs qui viennent découvrir le musée de Montpellier et que Fabre accueillit dans ses murs, on trouve Stendhal, qui parcourut les salles en 1831 et fit la relation de sa visite dans son Voyage dans le Midi de la France. La plume de l’écrivain admirateur de Napoléon est pleine d’ironie à l’égard du vieux peintre resté un fidèle monarchiste tout au long de sa vie. Son ton est ambigu : cet immense admirateur de la peinture italienne loue la collection de Fabre, mais ne peut s’empêcher quelques remarques moqueuses sur certaines attributions dont il doute, et notamment le jeune homme donné à Raphaël. Voici quelques extraits savoureux de sa visite, à retrouver intégralement sur Gallica : 

"Je suis entré au Musée Fabre qui donne sur l’esplanade et termine la ville de ce côté (...). A la mort de la princesse (d’Albany), M. Fabre eut une jolie collection de tableaux, qu’il eut l’esprit de donner de son vivant à sa ville natale, Montpellier, il fut honoré comme un dieu par le patriotisme de localité.

(...) Je me hâte de courir au fameux portrait d’un beau jeune homme à cheveux blonds par Raphaël. Hélas ! il me semble encore plus repeint qu’en 1831. Ce jeune homme de vingt ans a l’air de savoir qu’il passe pour joli garçon, genre d’expression qui devait choquer profondément l’âme simple et tendre de Raphaël. (...) La main seule est de Raphaël. Les couleurs du front et surtout de la bouche ont été gauchement appliquées ; elles sont trop fraîches pour être de 1520 ; on ne pourrait pas citer un tel exemple de fraîcheur après 318 années. La couleur de la main n’est pas la même que celle du front. Ce portrait impatiente, soit par la fatuité de ce beau garçon et la petitesse de son âme, soit par la tentation de nous prendre pour dupes, tentée par le peintre. Est-ce un pastiche de Raphaël, ou un tableau presque perdu et repeint entièrement à l’exception de la main ? Le grand nom de Raphaël trouble toujours un peu. 

L'image représente un dessin en noir et blanc, probablement réalisé à l'encre, d'un homme barbu avec une posture expressive. Il semble penché en avant, comme s'il interagissait avec quelque chose en dehors du cadre. Les contours sont détaillés, mettant en valeur les muscles et les plis de ses vêtements. En dessous de cette figure principale, on trouve un croquis supplémentaire, peut-être d'un visage, accompagné de notes manuscrites. L'ensemble dégage une impression de mouvement et de concentration, typique des études artistiques de la Renaissance.
Raffaello Sanzio dit Raphaël
Buste d’homme penché en avant, manuscrit d’un sonnet , Vers 1508 - 1509
Plume, encre brune, sur premier tracé à la pointe de plomb, traits de stylet, pierre noire pour le croquis, 39 cm × 25 cm
825.1.275
Musée Fabre Don François-Xavier Fabre, 1825

(...) Sainte Marie Egyptienne horrible, vieille, d’autant plus horrible que l’on voit qu’elle a été belle. Les mains seules sont grossières et hors de nature.

(...) Admirable collection de dessins ; un dessin de Raphaël : c’est un jeune homme qui s’appuie sur une fenêtre pour regarder de côté. J’ai compté sur ce dessin seize lignes qui semblent de l’écriture de Raphaël et le brouillon d’un poème ; mais on a eu la gaucherie ou la prudence de placer ce dessin à huit pieds de haut ; il devrait être vis à vis l’oeil du spectateur. Rien de facile au reste, comme de faire un faux de l’écriture de Raphaël (...).

Au milieu de toutes les affectations provinciales, l’âme est rafraichie par la vue de tableaux italiens et par le feuillage d’un grand arbre non taillé."

À l’occasion de la publication du catalogue raisonné de sa collection de peinture italienne, Pierre Stépanoff, conservateur au musée Fabre, vous propose de découvrir la passionnante histoire de cette collection.

L’ouvrage, rédigé par Benjamin Couilleaux, directeur du Musée Bonnat-Helleu de Bayonne, permettra de découvrir les quelques 200 tableaux de cette collection, dont certaines œuvres encore méconnues et conservées en réserve...