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L’Extase de Marie Madeleine

Sébastien Bourdon

L'Extase de Marie Madeleine
Sébastien Bourdon
L’Extase de Marie Madeleine , Vers 1665-1671
Huile sur toile, 45 cm × 37 cm
Hist. : Copenhague, vente Bruun Rasmussen, 26 février 2019, comme « cercle de Charles de La Fosse », n° 884/98 ; acquis de cette vente par la galerie Jacques Leegenhoek, Paris ; acquis de cette galerie par la Fondation d’entreprise du musée Fabre, 2020 ; don de cette dernière au musée Fabre, 2020.

L’Extase de Marie Madeleine est un tableau inédit du peintre Sébastien Bourdon, né à Montpellier et actif de Rome à Stockholm en passant par Paris au XVIIe siècle. Apparu lors d’une vente au Danemark en février 2019 comme « cercle de Charles de La Fosse », le tableau s’est révélé être une très belle peinture de Bourdon, datant des dernières années de sa carrière (1665-1671), celles où son œuvre prend « toute sa résonance poétique » (Jacques Thuillier).

Par son petit format et son lyrisme intime, l’œuvre est de toute évidence une peinture de dévotion privée, un support de prière et de méditation solitaire dans l’esprit de la Contre-Réforme catholique. La peinture n’en est pas moins séduisante et sensuelle : la Madeleine, retirée dans une caverne, y est présentée dans un état d’abandon à la grâce divine, matérialisée dans la composition par de multiples anges gracieux soutenant la sainte dans sa prière. L’artiste sait magnifiquement allier la grâce des figures, par des physionomies délicates, avec la majesté des personnages, dont les corps saturent l’espace pictural, et dont l’ampleur est renforcée par les plis très géométriques et abondants qui les habillent. Les expressions mêlent douceur et dévotion.

Ce tableau inédit est à inscrire dans les dernières années de la carrière de Bourdon. Durant cette période, ses tableaux atteignent un degré inédit de force plastique alliée à une puissance émotionnelle, où se mêlent les multiples influences de l’artiste : Raphaël, les Carrache, le Dominiquin, l’emphase du baroque romain, dans une synthèse parfaitement maîtrisée. Le tableau peut être rapproché, par le style, des grandes compositions peintes pour l’église des Minimes de Chaillot, dont trois ont été conservées : Le Baptême du Christ et une Sainte Geneviève repoussant avec l’aide d’un ange le démon qui veut éteindre son cierge (les deux tableaux à Nantes, église Saint-Nicolas) et Sainte Geneviève prosternée au pied de Saint Germain évêque d’Auxerre, qui lui donne une médaille (Paris, église Saint-Eustache).

La Déploration du Christ
Sébastien Bourdon
La Déploration du Christ, Vers  1665 - 1670
Huile sur toile, 55 cm × 46 cm
2000.1.1
Musée Fabre Achat de la Ville avec la participation du FRAM Languedoc-Roussillon, 2000

Par son format et son lyrisme, le tableau doit surtout être rapproché de la Déploration sur le Christ mort du musée Fabre, dont il constitue un superbe pendant. Les deux tableaux sont en effet construits dans un semblable décor de caverne, la retraite de Marie Madeleine ou le tombeau du Christ, selon un schéma pyramidal d’une grande monumentalité. Les ouvertures des deux grottes offrent une échappée sur le paysage où l’artiste démontre sa sensibilité à la nature, manifeste durant les dernières années de sa carrière.

Notre tableau est également contemporain d’une autre Extase de Marie Madeleine, conservée au musée de Dunkerque. La composition plus tourmentée, les plis, plus complexes, offrent des effets géométriques plus anguleux et acérés. Au contraire, notre tableau baigne dans une douceur générale où Bourdon exprime une sérénité apaisée, caractéristique d’un artiste arrivé au faîte de sa carrière, que l’on retrouve dans La Fuite en Egypte (Montpellier, musée Fabre), peinte dans les mêmes années.

  • La Madeleine pénitente
    Jacques Blanchard
    La Madeleine pénitente, Vers 1637-1638
    Huile sur toile, 130 cm × 97 cm
    2005.3.1
    Musée Fabre Achat de la Communauté d’Agglomération avec la participation du FRAM Languedoc-Roussillon, 2005
  • Sainte Marie l'Egyptienne
    Jusepe de Ribera dit l’Espagnolet
    Sainte Marie l’Egyptienne, 1641
    Huile sur toile, 132 cm × 108 cm
    837.1.27
    Musée Fabre Legs François-Xavier Fabre, 1837
  • La Madeleine pénitente dans un paysage
    François-Xavier Fabre
    La Madeleine pénitente dans un paysage, 1805
    Huile sur toile, 45 cm × 57 cm
    58.9.1
    Musée Fabre Don Cittadini, 1958

Le tableau est ainsi un très bel enrichissement pour les collections du musée, dont Sébastien Bourdon, artiste né à Montpellier, constitue un des piliers au fil du parcours. Outre le stimulant effet de dialogue que le tableau offre avec la Déploration du même artiste, l’œuvre vient également s’inscrire dans un ensemble de tableaux représentant, dans de multiples formules esthétiques, le sujet de la Madeleine repentante, à travers les siècles : pensons notamment à la Madeleine en extase de Jacques Blanchard (vers 1637-1638), la Sainte Marie l’égyptienne de José de Ribera (1641), la Marie Madeleine pénitente dans un paysage de François-Xavier Fabre (1805) ou encore la Mort de Marie Madeleine d’Octave Tassaert, acquise en 2019 (1853).

Pour aller plus loin :

Catalogue de l’exposition Sébastien Bourdon, Montpellier, Musée Fabre, 7 juillet - 15 octobre 2000, Strasbourg, Galerie de l’Ancienne Douane, 25 novembre 2000 - 4 février 2001, Paris, édition RMN, 2000, Jacques Thuillier, Michel Hilaire (dir.). Ouvrage disponible à la bibliothèque du musée Fabre.