Au-dessus de la Loge couverte est construite une autre salle où l’on élit chaque année les bourgmestres [les consuls] en grande solennité. On choisit en effet annuellement six nouveaux consuls parmi les conseillers de ville [autrement dit les conseillers municipaux].
Le premier consul, c’est un noble de race, ou bien un docteur auquel le port de la robe revient de plein droit (il est gentilhomme d’épée ou homme de robe longue). Le deuxième est un bourgeois ou un patricien, qui peut vivre de ses rentes. Le troisième est un marchand, un procureur ou un notaire. Le quatrième est aussi un marchand, mais plutôt dans le genre petit commerçant, tel qu’épicier, etc. Le cinquième est un artisan. Le sixième est soit un vigneron, soit un cultivateur de champs ou de vignes. Le premier consul est escorté en permanence par des valets de la ville vêtus aux couleurs de celle-ci et porteurs de hallebardes. Pour aller à l’église et pour assister à d’autres festivités, les consuls, sans distinction entre eux, doivent toujours porter une robe rouge cramoisie qui descend jusqu’à la cheville ; et, sur l’épaule droite, un chaperon de même couleur. Le chaperon a presque la forme d’un bas : en haut, un rond roulé en boudin, comme certains chez nous en portent à la partie supérieure de leurs jambières. Aux jours ordinaires, les consuls portent simplement une longue robe noire. Même dans ce cas pourtant, ils doivent garder sur l’épaule le chaperon rouge des jours de cérémonie. À en croire certains, cette parure représente une corde de potence. Ce serait une façon de dire que la ville tout entière, dans le temps, avait fauté. Du coup, le roi aurait imposé une peine éternelle aux consuls : à savoir qu’ils devaient porter, en perpétuelle mémoire, et de tout temps, ce boudin rond à leur chaperon comme un carcan sur leurs épaules. Quant à moi, j’ai le sentiment que ce chaperon ne signifie qu’une seule chose : à savoir que ces consuls doivent être honorés avant les autres citoyens de la ville, exactement comme le sont les femmes, qui ont le droit, elles aussi, de porter un chaperon sur la tête.
Edition/traduction : Emmanuel Le Roy Ladurie et Francine-Dominique Liechtenhan, Le Siècle des Platter, Paris, Fayard, t. II, Le voyage de Thomas Platter, 2000, p. 125-126.